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Jean Auguste Dominique Ingres, La Dormeuse de Naples
Dessin de souvenir, 1831, plume et encre sur vélin, BNF

 

Le 20 mai 1815, Caroline Murat, reine de Naples, abandonne la résidence royale de Capodimonte. Suite à l'intervention des Autrichiens, Ferdinand IV de Bourbon, roi des Deux-Siciles, recouvre le trône de Naples. Caroline Murat laisse derrière elle les toiles achetées à Ingres de 1809 à 1814. Parmi ces dernières, la Grande Odalisque et la Dormeuse de Naples. Ingres retrouve la Grande Odalisque à Naples, chez le comte de Narbonne-Pelet, en septembre 1815. La Dormeuse de Naples, quant à elle, a mystérieusement disparu. Ingres ne la retrouvera jamais. Resté inconsolable de cette disparition, il réalise de mémoire un croquis de la Dormeuse afin de sauvegarder, au moins à titre de preuve, quelque figure témoin du tableau disparu.

En 1831, puis 1832, Ingres tente une requête ultime auprès de Caroline Murat :

Monsieur Ingres désire avoir des renseignements sur un de ses tableaux qui se voyait à Naples du temps de Murat. Ce tableau peint à l'huile représente une figure de femme de grandeur naturelle couchée nue, dormant sur un lit de repos à rideaux cramoisis, et dont voici l'exacte composition :

Murat en fit lui-même l'acquisition. On le paya cinquante louis. L'auteur l'y a vu et reconnu à l'époque de 1814, quelques mois avant le changement de gouvernement. A partir de là ce tableau ne s'est plus vu ni reconnu nulle part.

On sait que la Dormeuse de Naples et la Grande Odalisque constituaient aux yeux de Ingres une sorte de dyptique. Dédié à la beauté féminine, celui-ci la célébrait doublement, d'abord sous les traits de la dormeuse, figure de la beauté occidentale, puis sous les traits de l'odalisque, figure de la beauté orientale.

Ingres, La Grande Odalisque, 1814

Jean Auguste Dominique Ingres est mort en 1867 sans avoir revu La Dormeuse de Naples. La quête du tableau disparu, depuis lors, se poursuit. L'histoire de la peinture montre que les chefs-d'oeuvre sont rarement détruits et qu'ils finissent presque toujours par réapparaître. On sait par ailleurs que le palais impérial de Capodimonte n'a pas été pillé en mai 1815, et l'on présume que La Dormeuse de Naples a pu être déplacée non loin de Capodimonte, semblablement à La Grande Odalisque, que Ingres a retrouvée à Naples, en septembre de la même année, chez le comte de Narbonne-Pelet.

D'où l'hypothèse, au demeurant fort probable, que le tableau existe toujours, et qu'il dort quelque part, oublié dans un grenier, conservé dans une collection particulière, ou recouvert par une peinture différente.

Adrien Goetz, dans le cadre du roman éponyme, imagine que La Dormeuse de Naples a pu être sauvée par le comte de Narbonne-Pelet :

Je l'ai vu souvent, dit Madame C.-M*** dans le roman, à propos de ce tableau,il était chez madame de Narbonne, qui l'avait sauvé, dans la tourmente révolutionnaire de 1815, en le faisant mettre à la résidence de France.

Adrien Goetz suppose par la suite que La Dormeuse de Naples a pu être conservée à Paris, dans l'atelier de Guericault.

Le photographe italien Teodorico rapporte en 1861, dans le roman, que Monsieur Théodore Géricault, dont il a été autrefois l'élève, possédait un tableau d'Ingres, qui n'était pas une copie. C'était cette Dormeuse de Naples que l'on a si longtemps cherchée, que l'on cherchait déjà en ce temps - mais qui l'aurait trouvée dans l'atelier du peintre de la Méduse ? On l'a crue détruite dans les bouleversements de la chute de Murat, c'est une erreur, c'est une autre odalisque, achetée par Murat à Ingres quelques années plus tôt, qui a péri. La Dormeuse a survécu à Naples, elle est venue à Paris. Je l'y ai vue. Il ne la montrait à personne. J'ai dû soulever le drap en cachette.

Adrien Goetz imagine enfin que La Dormeuse a pu être dérobée par un familier peu avant la mort de Géricault.

Le vieux Lefèvre, ex-élève d'Ingres, dit en 1861 savoir de source sûre que Joseph, le modèle noir, familier de l'atelier de Géricault, avait, quelques jours avant la mort de ce dernier, roulé la toile et disparu avec elle. Il aurait voulu la monnayer en Italie ou en Angleterre.

La Dormeuse aurait pu également être recouverte par une autre peinture de Géricault :

Je crois bien qu'on la cherchera encore, dit dans le roman le photographe Teodorico. Il se peut pourtant qu'elle soit au musée, à ce que l'on dit. Il[Géricault] l'aurait découpée, un jour où il n'avait rien pour peindre et aurait refait par-dessus son tableau des courses d'Epsom en Angleterre.

Témoin de deux portraits réalisés par Ingres à l'intention de ses arrière-arrière-arrière grands-parents, conservateur en chef du musée de Cambrai, organisatrice d'une exposition dédiée à Ingres en 2004, Véronique Burnod évoque brièvement le roman d'Adrien Goetz en tant que fonds de rêverie relativement auquel la recherche qu'elle rapporte dans Le tableau disparu, ouvrage consacré à Ingres et à La Dormeuse de Naples, se déploie, de façon complémentaire, sur le mode du Vrai.

Véronique Burnod raconte dans Le tableau disparu comment, grâce au soutien d'un mécène, de l'Institut culturel français de Naples, de la ville de Cambrai, et, plus récemment, du musée du Louvre, elle a pu se rendre à Naples, puis à Capodimonte, afin de poursuivre la trace de La Dormeuse disparue.

L'enquête est passionnante, à ce jour inachevée. Je n'en livrerai pas ici les détails. Il faut la suivre pas à pas, pour cela lire le livre de Véronique Burnod.

Convaincue d'avoir retrouvé La Dormeuse de Naples sous le couvert d'une toile de Luca Giordano, intitulée Vénus dormant avec Cupidon et satyre, datée du XVIIème siècle et conservée au musée de Capodimonte, Véronique Burnod requiert en vain de ce musée l'autorisation de soumettre la toile de Giordano à un examen aux rayons X. Les clichés réalisés en lumière rasante montrent toutefois que le corps de la Vénus souffre d'entailles anciennes, masquées, notamment sur le cou, le torse, les cuisses.

Luca Giordano (1634-1705)
Vénus dormant avec Cupidon et satyre

Jean Auguste Dominique Ingres, La Dormeuse de Naples
Dessin de souvenir, 1831

Relayée par la presse, l'affaire de La Dormeuse de Naples suscite des remous dans le milieu de l'art. A preuve, par exemple, cet extrait de l'échange plutôt violent qui, le 23 novembre 2006, oppose Véronique Burnod à Didier Rykner.

Véronique Burnod revient ici sur la disposition de la Dormeuse de Ingres, comparée à celle de la Vénus de Giordano :

V. Burnod : Je ne dis pas avoir retrouvé une disposition similaire, mais uniquement des courbes lyriques conçues spécifiquement par Ingres pour La Dormeuse de Naples. Ces courbes artistiques qui sont uniques (contrairement aux positions des corps) se retrouvent, non pas sur la position (inverse) de ce corps, donnée pour une œuvre de Giordano, mais au travers du tableau, notamment dans les plis du rideau par exemple.

En outre, l’examen de ces courbes montrent que celles-ci ont fait l’objet de maquillages. Je le prouve grâce aux clichés en lumière rasante que nous avons pris cet été à Capodimonte, clichés qui font partie intégrante de la démonstration. J’y explique longuement les astuces des faussaires, et la façon dont travaillent ces derniers afin de masquer la réapparition des couches plus anciennes de peinture.

D. Rykner : Je laisse le lecteur juger de la pertinence qu’il y a à prétendre retrouver sous les plis d’un rideau de supposées "courbes lyriques". Quant aux photos en lumière rasantes publiées dans le livre, j’y renvoie le lecteur, et je le mets au défi d’y voir une preuve quelconque de maquillages masquant un tableau d’Ingres.

Il est dommage que Véronique Burnod (...) perde parfois de vue l'indispensable rigueur scientifique.

Cet échange est emprunté au magazine La Tribune de l'Art. Il fait suite, toujours dans La Tribune de l'Art, à la publication de l'article intitulé Le tableau disparu. A la recherche de La Dormeuse de Naples de Jean-Auguste-Dominique Ingres. Daté du 4 novembre 2006, l'article en question rend compte du livre de Véronique Burnod.

 

Brisons là. L'avenir départagera peut-être les tenants de la Dormeuse et ceux de la Vénus.

L'admirable est justement qu'in absentia la peinture nous soit mystérieusement présente, mystérieusement présente toujours.

 

Bibliographie :

Véronique Burnod, Le tableau disparu, La fosse aux ours, 2006.

Adrien Goetz, La Dormeuse de Naples, roman, Le Passage, 2004.

La Tribune de l'Art, Le tableau disparu. A la recherche de La Dormeuse de Naples de Jean-Auguste-Dominique Ingres, 2 novembre 2006.

La Tribune de l'Art, Réponse de Véronique Burnod à notre article sur son ouvrage Le tableau disparu. A la recherche de La Dormeuse de Naples de Jean-Auguste-Dominique Ingres, 23 novembre 2006.