Christine Belcikowski

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À propos de l'ancien couvent des Feuillants, dit des Saints Anges Gardiens, sis jadis à Paris, rue d'Enfer

Rédigé par Belcikowski Christine 2 commentaires

« Prêché dans l'église des Feuillants, le 2 octobre 1659 », indique Jacques Bénigne Bossuet en tête de l'édition imprimée de son « Panégyrique pour la fête des Saints Anges Gardiens ». Cf. Christine Belcikowski. Ascendentes & descendentes. Quand Jacques Bénigne Bossuet parle des anges.

Instituée en 1608 par Paul V, confirmée par Clément IX, puis fixée au 9 octobre par Clément X, la date de la fête des Saints Anges Gardiens s'impose ensuite dans le calendrier liturgique français avec le concours des Jésuites, très attachés à la promotion desdits Anges, figures en qui ils voient une sorte de variable d'ajustement bienvenue entre le libre-arbitre dont les hommes jouissent par nature et la Grâce que Dieu leur dispense par ailleurs. (1)

I. Bossuet prédicateur 1659 au couvent des Saints Anges Gardiens

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Ci-dessus : portrait de Bossuet par Hyacinthe Rigault. 1698.

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Ci-dessus : généalogie simplifiée de la famille Bossuet.

Jacques Bénigne Bossuet, qui a poursuivi ses études secondaires jusqu'en 1641 au collège des Jésuites de Dijon, a baigné dans la spiritualité angéologique propre à cet Ordre. De façon plus personnelle, il vient en 1659 proférer son « Panégyrique pour la fête des Saints Anges Gardiens » dans l'église du couvent du même nom, sachant que François Bossuet, son cousin issu de germain et parrain, receveur des gabelles du Languedoc et des traites étrangères depuis 1646, a des relations avec les moines ; sachant aussi que plusieurs membres de la famille Bossuet ont été naguère inhumés dans la chapelle des Saints Anges Gardiens, où François Bossuet a pris une concession ; sachant enfin qu'en rapport avec la disgrâce commençante de Fouquet, dont il est très proche, François Bossuet appréhende d'avoir à partager semblable disgrâce. (2)

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Ci-dessus : portail de la chapelle Notre Dame de Paix et de Saint Louis, aujourd'hui fermée, hormis dans le temps de certaines expositions. Au premier étage du Pavillon de l’Horloge, Louis Le Vau aménage entre 1655 et 1659 une chapelle dont seuls les murs percés de niches ont été réalisés, non le dôme initialement prévu. Cette chapelle se trouve consacrée le 18 février 1659 à Notre Dame de la Paix, en l’honneur de la Paix des Pyrénées, et à Saint-Louis, patron de Louis XIV. De 1659 à 1666, la Cour s’y rend pour diverses célébrations. Bossuet y prêche le Carême en 1662 et l’Avent en 1665. Quand Louis XIV quitte le Louvre pour Versailles, la chapelle abrite quelque temps l’Académie Française. Originaire du château des Maisons, la grille en fer forgée a été posée en 1819.

Le 2 octobre 1659, lui, Jacques Bénigne Bossuet, mobilise donc sans doute à l'église du couvent des Feuillants de la rue d'Enfer, lors de son « Panégyrique pour la fête des Saints Anges Gardiens », une émotion toute particulière. Après avoir prêché le Carême de l'année dans la chapelle du grand pavillon du Louvre nommée Notre Dame de Paix et de Saint Louis, en présence du roi Louis XIV, âgé alors de vingt-trois ans seulement, de la reine Marie-Thérèse d'Autriche, d'Anne Mauricette d'Espagne, de la reine mère d'Angleterre, de Monsieur, frère du roi, uni l'année précédente à Henriette Anne Stuart, de Gaston Jean Baptiste de France, et d'autres personnes si augustes, il s'adresse le 2 octobre 1659 cette fois à « tous les religieux feuillants des deux monastères de Paris ,qui sont là pressés par un nombreux auditoire, où deux personnages, surtout, attirent les regards, Antoine Barillon, marquis de Morangis, directeur des finances, homme pieux, charitable, l'un des ornements de ce siècle, et son digne ami Louis de Rochechouart, comte de Maure. Bienveillants tous deux pour l'ordre des Feuillants, ces seigneurs, après avoir, par leurs libéralités, aidé beaucoup à la construction de l'église nouvelle, en avaient, au mois de juillet précédent, posé les premières pierres » (3). Les inscriptions placées sous les premières pierres portaient les noms de ces deux Messieurs.

Il se trouve que, venant de Metz, où il a été nommé archidiacre en 1654, Bossuet loge durant ses séjours parisiens de l'année 1659 au doyenné de l'église Saint Nicolas du Louvre, sise rue des Orties du Louvre. Cette église se trouvait immédiatement voisine de celle de Saint Thomas du Louvre, et leurs deux doyennés aussi. Il est émouvant de penser qu'après Bossuet en 1659, Nerval, dans les années 1830, a logé dans ce quartier du Doyenné, lui aussi. Après l’écroulement de son vieux clocher sur six chanoines en 1739, l’église Saint Thomas du Louvre, d'abord restée en l'état, est démolie en 1811, à l’exception d’un fragment de l’abside qu’on verra debout encore jusqu’en 1850. Dans ses Petits Châteaux de Bohème, Nerval évoque le paysage qu'il aperçoit depuis les fenêtres de sa chambre : là où Bossuet, en 1659, pouvait scruter, intact, le clocher de la chapelle de Saint Thomas du Louvre, lui, Nerval, en 1830, contemple « les ruines même de la chapelle, qui se découpent si gracieusement sur le vert des arbres, et dont le dôme s’était écroulé un jour, au dix-huitième siècle, sur six malheureux chanoines réunis pour dire un office. » (4)

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Ci-dessus : emplacement du Doyenné. Plan de M. Maire. 1826.

II. Le monastère des Feuillants, rue d'Enfer

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Ci-dessus : emplacement du couvent des Feuillants de la rue d'Enfer. Seule la tour Gaudron se trouve figurée sur cet emplacement, non « la maison qui en portoit encore le nom en 1640 ». Plan Tavernier. 1630.

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Ci-dessus : emplacement du couvent des Feuillants de la rue d'Enfer. Plan de Jansonnius. 1657.

Installés depuis 1587 rue Saint-Honoré à Paris, « les Feuillants projettent bientôt de se rendre propriétaires d'un nouveau lieu, afin d'y établir leur noviciat. Ils trouvent un emplacement commode au faubourg Saint-Michel. « Sur cet emplacement étoit une tour carrée anciennement appelée la tour Gaudron, et une maison qui en portoit encore le nom en 1640 ». Le nom de tour Gaudron désignait alors un moulin qui appartenait à Antoine Couturé, avant que celui-ci ne le vende aux Feuillants.

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Ci-dessus : Charles Le Brun. Portrait de Pierre Séguier (1655-1661), chancelier de France, lors de l’entrée royale de Louis XIV et de Marie-Thérèse à Paris, le 26 août 1660, après leur mariage à Saint-Jean-de-Luz le 9 juin de la même année.

Les Feuillants achètent en 1630 l’ emplacement de la rue d’Enfer avec la permission de Jean-François de Gondi, archevêque de Paris ; ils obtiennent en 1631 les lettres-patentes nécessaires à la réalisation de leur projet, et ils font élever aussitôt leur second monastère, dont M. Séguier, garde des Sceaux, pose la première pierre le 21 juin 1633. Ce monastère ne va pas sans disposer de sa propre église. De façon que les historiens négligent souvent de signaler, cette première église précède de 26 ans celle dont Bossuet viendra saluer la consécration en 1659.

Les Feuillants sont pauvres toutefois, car probablement à cause de la Fronde, dans laquelle ils ont pris position en faveur du Roi « de droit divin », les donations consenties par les gens de finance ont depuis lors dramatiquement chuté.

« Limités financièrement, les religieux ne sont plus en mesure par la suite d'entretenir leurs bâtiments conventuels. Le monastère des Anges Gardiens se trouve bientôt dans un piteux état. En 1647, on prend conscience que la tour Gaudron menace de s'effondrer. Le 17 mars 1655, le prieur fait fermer une partie des bâtiments claustraux : “ Il paroist de jour à autre des crevasses dans les gros murs du vieil logement que nous habitons et lesdits murs se retirent notablement en divers endroits ce qui menace d'une ruine prochaine et péril imminent de tomber, lorsqu'on y pensera le moins, et d’ensevelir quelqu'un dans les ruines ”. Les moines se retirent dans la partie du monastère qui a été louée à des séculiers “ à cause des malheurs du temps ”. Quelques années plus tard, la structure architecturale de l'église montre, à son tour, des signes de faiblesse. On ne compte plus les crevasses et les fentes qui entaillent les murs porteurs et le plancher. Le risque d'éboulement est si flagrant que les visiteurs craignent d'y venir ou rebroussent chemin à la seule vue du danger. Les frères se résolvent alors à construire une nouvelle église. »

Mais les maigres finances du monastère ne permettaient plus d'envisager des constructions d'envergure comme au début du XVIIe siècle. Par souci d'économie, on utilisa les éboulis des édifices contigus. » (5)

« Cette seconde église ne fut commencée qu'en 1659. Ayant été achevée dans la même année, elle fut bénite aussitôt, et dédiée sous le nom des Saints Anges Gardiens. Ce petit édifice n'avoit rien de remarquable », observe Jacques Benjamin Saint-Victor dans son Tableau historique et pittoresque de Paris en 1811. (6)

« Le clocher, en forme de dôme, du nouveau bâtiment était si modeste que l'église se distinguait à peine des maisons avoisinantes. La décoration et l'aménagement intérieurs de l'édifice furent réduits à leur plus simple expression », précise Pierre Benoist dans la La bure et le sceptre, en 2006.

Dans Abbayes, monastères et couvents de Paris (7), Paul et Marie-Louise Biver décrivent cette décoration et cet aménagement à la lumière de la déclaration des biens établie par le père prieur, dom Denis de Saint-Étienne, le 8 février 1790.

« Nous savons que le chœur et la nef sont « boisés » et que « l'autel est en bois peint, avec des ornements ordinaires ». Le sanctuaire est orné de deux tapisseries, d'une petite crédence de bois doré, avec sa pierre de marbre. Le sanctuaire est fermé par une balustrade ; des rideaux d'indienne sont suspendus aux deux grilles du chœur. Il s'y trouve les tombeaux d'Antoine de Maillé, comte de la Marche, mort en 1667, et d'Alexandre de Rohan, marquis de Marigny, mort en 1688. La chapelle de la Vierge, contiguë à la rue d'Enfer, a été ajoutée en 1684. L'image de la Vierge est en bois de chêne doré. Quatre chandeliers de bois peint, des vases à bouquets et deux tableaux ornent cette chapelle.

Dans la sacristie, un soleil de vermeil, orné de pierres, dont quelques-unes ont paru être de roses et brillants fins, et de quelques pierres de couleurs ; huit vases à bouquets, dont quatre de bois dorés et quatre de bois argenté. En réserve, deux tapis de Turquie, plus quatre grandes tapisseries et quatre petites pour les solennités.

Le réfectoire et le chauffoir sont mentionnés eux aussi, dans la déclaration des biens établie par le père prieur, dom Denis de Saint-Étienne, le 8 février 1790. »

« Si les apparences étaient sauves, remarque encore Pierre Benoist, le délabrement avancé des bâtiments claustraux ne facilitait pas l'accueil des nouveaux postulants. En 1663, on décida de transférer définitivement le noviciat de la rue d'Enfer vers l'abbaye Notre Dame du Val. De moins en moins fréquentée, la maison ne devenait guère utile. Le 7 octobre 1696, on se résolut de mettre à bail la plus grande partie du monastère pour payer les créanciers, les droits d'amortissement et “ prévenir la ruine de la maison ”. » (8)

En 1774 et 1777, avant que la Révolution ne vienne expulser de leur maison les huit derniers moines restants, un effondrement des carrières qui courent sous le sol de Paris, se produit juste à côté du monastère des Feuillants, entraînant du même coup l'effondrement du tronçon correspondant de la rue d'Enfer. Nommé Inspecteur Général des Carrières de Paris le 4 avril 1777, Charles Axel Guillaumot entreprend alors de cartographier le réseau desdites carrières afin d'identifier et de consolider ou de combler les vides présents sous les voies publiques et les bâtiments royaux, par exemple en y faisant établir les divers ossuaires connus aujourd'hui sous le nom de Catacombes de Paris. (9)

III. Sort du monastère des Feuillants de la rue d'Enfer après la Révolution

En 1811, Jacques Benjamin Saint-Victor en 1811 dit de l’ancienne maison des Feuillants qu’elle est « maintenant habitée par des particuliers.

En 1875, dans Les anciennes maisons de Paris. Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, Charles Lefeuve fournit encore à propos de l'ancienne maison des Feuillants de la rue d'Enfer les indications suivantes :

« Le général Ernouf, qui a servi l'Empire et la Restauration, se trouvait bien, au nº 49 [de la rue d’Enfer], des restes du monastère des Feuillants des Saints Anges Gardiens. L'édifice principal en est visible au nº 47, et nul doute que son entourage ne fût primitivement à la disposition desdits religieux. Est-ce que, d'une bâtisse à l'autre, des communications préexistantes ne se trahissent pas ? Voyez encore ce bénitier, dans le jardin du nº 45 : il n'a pas quitté depuis longtemps la place qu'il occupait tout près, au rez-de-chaussée de l'habitation. » (10)

Trois dessins de Léon Leymmonerye conservés au musée Carnavalet montrent ce qui subsistait de l'ancien bâtiment des Feuillants de la rue d'Enfer avant 1863.

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Ci-dessus : portail de l'ancien couvent des Feuillants de la rue d'Enfer.

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Ci-dessus : portail de l'ancien couvent des Feuillants de la rue d'Enfer.

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Ci-dessus : cour de l'ancien couvent des Feuillants de la rue d'Enfer. Source : Musée Carnavalet. Feuillants de la rue d'Enfer.

Le sort de ce qui subsistait avant 1863 de l'ancien bâtiment des Feuillants de la rue d'Enfer suit des travaux du baron Haussmann.

« Le boulevard Saint-Michel fut percé, suivant les directives du baron Haussmann, parallèlement à la rue Saint-Jacques qui marque l'axe nord-sud historique. En 1855, un décret déclare d'utilité publique la création du boulevard Saint-Germain et le redressement et l'élargissement à trente mètres de la rue de la Harpe — qui finissait alors sur la place Saint-Michel, au carrefour de la rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel et de la rue d'Enfer —, destinée à prolonger le boulevard du Centre (actuel boulevard de Sébastopol) sur la rive gauche.

Le 3 mai 1858, la ville de Paris et l'État signent une convention prévoyant l'exécution dans un délai de dix ans, à partir du 1er janvier 1859, du prolongement du boulevard de Sébastopol à travers l'île de la Cité (actuel boulevard du Palais) et entre la place Saint-Michel et le carrefour de l'Observatoire.

Le prolongement du boulevard Sébastopol (rive gauche), de la place Saint-Michel au carrefour de l'Observatoire, par l'élargissement à 30 mètres de la rue d'Enfer et de la rue de l'Est et l'isolement du jardin du Luxembourg du côté de la rue d'Enfer; est déclaré d'utilité publique le 30 juillet 1859. » (11)

L'exécution des projets du baron Hausmann entraîne la disparition de l'ancienne rue d'Enfer, et, par suite de l'élargissement de la voie plus étroite que celle-ci constituait jusqu'alors, une modification de la situation dans laquelle ce qui restait de l'ancien couvent des Feuillants s'est trouvé désormais placé relativement à l'alignement voyer.

IV. Aujourd'hui

Parmi les particuliers dont Jacques Benjamin Saint-Victor disait en 1811 « qu'ils habitent maintenant l'ancienne maison des Feuillants de la rue d'Enfer », l'une de ces personnes m'a écrit, il y a quelques jours, pour me dire qu'elle habite en 2019 cette même maison, et elle m'a envoyé quelques photos des lieux. Ci-dessous, la teneur de son courrier :

« Concernant la maison des Anges gardiens, un article serait une chance de plus

Je viens de consulter les archives du parcellaire parisien. Apparemment, comme en témoigne le parcellaire de 1830, l‘église aurait été démolie avant Haussmann, à moins qu’il ne s’agisse du bâtiment sur rue du nº 41 de la rue d’Enfer. Quant au nº 43, ” ma maison ”, il y avait déjà deux pavillons le long de la rue, le bâtiment conventuel étant en fond de cour. Sur le parcellaire après 1860, les pavillons sur rue ont reculé sur ce qui est devenu le nº 95, boulevard Saint-Michel (cour plus petite), et le bâtiment sur rue du nº 93, ancien nº 41, a été rasé. A cet endroit, le boulevard reprend strictement le tracé de la rue d’Enfer, en l’élargissant seulement.

Quant à l’aspect des bâtiments, on voit que le nº 43 de la rue d’Enfer ressemble à l’actuel bâtiment donnant sur le boulevard. Celui-ci a été surélevé, donc le fronton classique a été supprimé, mais les étages inférieurs sont intacts.

Pour bien comprendre les observations formulées dans ce message, il convient de revenir aux plans anciens et de considérer l'évolution que le site des Feuillants de la rue d'Enfer a connue depuis 1633. Les sites du Luxembourg, des Chartreux et de l'église Saint Jacques du Haut-Pas servent ici de repères.

IV.1. Qu'est-il advenu, au fil du temps, de l'église des Saints Anges Gardiens ?

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Jean Boisseau, daté de 1648.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Bullet et Blondel, daté de 1676.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Nicolas de Fer, daté de 1697.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Jaillot, daté de 1713.

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Ci-dessus :vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Delagrive, daté de 1728.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Deharme, daté de 1763.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Alibert, daté de 1780.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Verniquet, daté de 1790.

Le 13 juin 1792, l'église des Saints Anges Gardiens fait l'objet d'une adjudication au titre de la vente des biens nationaux. Le document correspondant se trouve conservé aux Archives départementales de la Seine sous la cote DQ10 1541.

« Adjudication définitive de l'église des ci-devants Feuillants, sise à Paris, rue d'Enfer.
Cette église est établie sur un parallélogramme de vingt-deux pieds de large environ, compris la demi-épaisseur du mur du fond, ce qui produit une superficie d'environ trente sept toises huit pieds deux pouces.
Elle tient d'un côté à la rue, à gauche à une maison nouvellement vendue à M. Cambaule, à droite au passage d'entrée principal du ci-devant couvent. »

L'adjudication se trouve assortie des conditions suivantes :

« L'adjudicataire restera tenu de supprimer à ses frais la chapelle en saillie sur le passage d'entrée pour former le mur mitoyen d'une seule ligne droite, et les matériaux qui en proviendront appartiendront à l'adjudicataire.
Il sera également tenu de boucher les portes et croisées qui existent actuellement dans les murs mitoyens et de disposer son comble de manière que les eaux tombant sur le passage et sur la maison de gauche, s'écoulent par chez lui.
Aussitôt que l'adjudicataire sera en possession, il s'entendra avec le propriétaire de la maison voisine pour la reconstruction du mur mitoyen, attendu qu'il menace ruine, et de faire faire à ses frais une porte d'entrée du côté de la rue.
Lorsque l'adjudicataire voudra jouir de ladite église, avant de faire aucuns travaux, soit pour la fouille du terrain d'icelle, soit pour la construction des bâtiments qu'il voudra faire élever, soit autrement, ledit adjudicataire sera tenu de remplir à ses frais toutes les formalisé nécessaires et d'usage pour l'exhumation des corps enterrés dans ladite église et de les faire transporter aussi à ses frais dans tel cimetière qui lui sera indiqué par la municipalité, à la charge pour lui en outre de qu'il ne soit détourné aucuns cercueils de bois ou de plomb, ni aucuns ossements, et qu'ils soient tous réellement et de fait conduits dans le lieu indiqué.
Tous les objets d'embellissement et d'utilité, comme la chaire, les grilles de fer et de bois des tribunes, les retables d'autel, soit en marbre soit [manquant], les boiseries de l'église, de la chapelle et de la sacristie, les dalles, les plaques soit de cuivre ou de pierre portant des inscriptions, les vitraux de couleur, et généralement tout ce qui pourra être regardé comm non [manquant] et s'enlever sans causer aucun degré de tort, ne fera pas partie de [manquant]. »

Vendue une première fois en 1792, l'église des Saint Anges Gardiens le sera une seconde fois encore pendant la période révolutionnaire.

A-t-elle été effectivement détruite avant les années 1800 ?

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Jean, daté de 1797.

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Ci-dessus : vue de l'église des Saints Anges Gardiens sur le plan Maire, daté de 1817.

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Ci-dessus : emplacement de l'ancien couvent des Feuillants de la rue d'Enfer. Plan Girard. 1820. L'église des Saints Anges Gardiens figure toujours sur ce plan. On la reconnaît à sa forme. On distingue mal toutefois si elle se trouve signalée par une croix. La rue qui court au-dessous de l'ilôt se nomme alors rue des Deux Églises.

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Ci-dessus : Ci-dessus : emplacement de l'ancien couvent des Feuillants de la rue d'Enfer. Plan Maire. 1826. Seule l'église Saint Jacques du Haut-Pas se trouve figurée sur ce plan ; point celle des Saints Anges Gardiens. La rue qui court au-dessous de l'îlot s'intitule encore rue des Deux Églises.

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Ci-dessus : vue de l'ancien site des Feuillants de la rue d'Enfer sur le plan Hennequin et Fauchet, daté de 1840. Seule l'église Saint Jacques du Haut-Pas se trouve figurée sur ce plan ; point celle des Saints Anges Gardiens. La rue qui court au-dessous de l'îlot s'intitule toujours rue des Deux Églises.

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Ci-dessus : vue de l'ancien site des Feuillants de la rue d'Enfer sur le plan Henriot, daté de 1857. L'ancienne rue des Deux Églises est devenue la rue de l'Abbé de l'Épée. Le souvenir de l'église des Saints Anges Gardiens s'est perdu.

Le bâtiment originel de l'église des Saints Anges Gardiens a donc probablement cessé d'exister entre 1820 et 1826 environ. On ne sait s'il s'est écroulé, s'il a été abattu parce qu'il menaçait ruine, ou s'il a été démoli parce que, au demeurant « peu remarquable », comme disait Jacques Benjamin Saint-Victor en 1811.

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Ci-dessus : élévation de la façade de l'église Saint Jacques du Haut-Pas. Source : Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Diffusion RMN.

Là où s'élevait aussi jadis la petite église des Saints Anges Gardiens, il ne reste plus désormais que l'église Saint Jacques du Haut-Pas.

IV.2. Qu'est-il advenu de l'ancien monastère des Feuillants de la rue d'Enfer ?

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Ci-dessus : vue de l'ancien site des Feuillants de la rue d'Enfer sur le plan Mabyre, daté de 1898.

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Ci-dessus : vue de l'ancien site des Feuillants de la rue d'Enfer sur le plan Leconte, daté de 1931. Surprise ! À côté de l'endroit où s'élevaient jadis l'église des Saints Anges Gardiens et le couvent des Feuillants, s'est établie la Closerie des Lilas, plus connue sous le nom de Bal Bullier !

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Ci-dessus : circa 1900, vue de l'entrée du bal Bullier, boulevard Saint-Michel. « Le fronton monumental de l'entrée principale, un bas-relief en terre cuite sculptée et émaillée, est mis en place en 1895. Il représente un coq gaulois debout sur les emblèmes des Facultés. Avec, en dessous, inscrite la phrase latine Salvatit et placuit, Il sauve et apaise. Encore en dessous, sont représentées des scènes festives illustrant l'intérieur du bal. En particulier, au milieu, deux étudiants portant la faluche, encadrant une jolie jeune fille et dansant le cancan. » (12)

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Ci-dessus : plan parcellaire municipal de Paris (fin XIXe). Plan 19e quartier, 18e quartier, 19e quartier. Val de Grâce, Jardin des Plantes, Val de Grâce. 12e et 13e feuilles 1/500. PP/11944/C. Paris Archives. Repères : à gauche sur l'image, le boulevard Saint-Michel ; en bas, la rue de l'Abbé de l'Épée ; en bas, à droite, l'église Saint Jacques du Haut-Pas.

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Ci-dessus, de gauche à droite sur l'image : 1. Emplacement de l'ancien couvent des Feuillants au bord de la rue d'Enfer, sur le plan Girard de 1820 ; 2. Vue de l'emplacement correspondant sur le parcellaire de la fin du XIXe siècle.

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Ci-dessus, de gauche à droite sur l'image : 1. Emplacement de l'ancien couvent des Feuillants au bord de la rue d'Enfer, sur le plan Girard de 1820 ; 2. Vue de l'emplacement actuel sur le site de Paris. Ve arrondissement. Parcelle n° 10. Feuille 000 BN 01.

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Ci-dessus : détail de la même vue, agrandie. L'entrée de l'ancient couvent des Feuillants de la rue d'Enfer se trouve aujourd'hui au nº 95 du boulevard Saint-Michel.

De la comparaison entre le plan cadastral actuel et les plans antérieurs aux travaux d'Haussmann, il appert que, du fait des travaux en question, l'ancien bâtiment conventuel des Feuillants de la rue d'Enfer se trouve depuis lors rétrogradé relativement au bord du boulevard Saint-Michel, de telle sorte qu'il s'élève aujourd'hui au fond d'une cour à laquelle on accède depuis le boulevard en poussant un portail.

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Ci-dessus : vue du nº 95 du boulevard Saint-Michel. Regardez bien la porte d'entrée du bâtiment et les degrés qui montent vers cette dernière.

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Ci-dessus : portail de l'ancien couvent des Feuillants de la rue d'Enfer en 1860, avant les travaux d'Haussmann.

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Quoique plus ornées,ce sont ici la même porte et la même façade que celles de 1860, dessinée par Léon Leymmonerye en 1860 et dites « démolies » en 1863 ! Seules les marches ne figurent pas sur le dessin de Léon Leymmonerye. On les remarque en revanche sur le parcellaire de la fin du XIXe, et même, sur le plan de 1820 peut-être, si l'on regarde bien. Datent-elles des travaux d'Hausmmann, ou bien des décennies antérieures ?

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Ci-dessus : détail du parcellaire de la fin du XIXe siècle.

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Ci-dessus : détail microscopique du plan de 1820.

L'histoire du couvent des Feuillants de la rue d'Enfer appelle une étude plus approfondie de l'archéologie du bâti de cet édifice. Liée au souvenir de l'illustre discours prononcé le 2 octobre 1659, jour de la consécration de l'église des Saints Anges Gardiens par Bossuet, elle fait espérer aujourd'hui la reconnaissance du bâti de la communauté qui a été le témoin de cette voix inspirée et celle d'un monde dont, magré les apparences, nous descendons encore.

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1. Cf. Antoine Mazurek. ‪L’ange gardien, entre théologie, dévotion et spiritualité. XVIe-XVIIe siècles.

1. Amable Floquet (1797-1881). Études sur la vie de Bossuet : jusqu'à son entrée en fonctions en qualité de précepteur du dauphin (1627-1670). Paris. 1855.

2. À propos de François Bossuet, cf. Pierre Benoist. La bure et le sceptre : La congrégation des Feuillants dans l'affirmation des Etats et des pouvoirs princiers. 1560-1660, p. 486. Éditions de la Sorbonne. Paris. 2006.

3. Gérard de Nerval. Petits châteaux de Bohème. Premier Château. I. La rue du Doyenné, p. 10.

4. Gérard de Nerval. Ibidem.

5. Perre Benoist. La bure et le sceptre : La congrégation des Feuillants dans l'affirmation des Etats et des pouvoirs princiers. 1560-1660. Éditions de la Sorbonne. Paris. 2006.

6. Jacques Benjamin Saint-Victor. Tableau historique et pittoresque de Paris. Volume 3. Du Luxembourg. Les Feuillants des Saints Anges Gardiens, p. 701. De l'imprimerie de Mame Frères. Paris. 1811.

7. Paul et Marie-Louise Biver. Abbayes, monastères et couvents de Paris. Volume 2, p. 100. Éditions d’Histoire et d’Art. Paris. 1970.

  

8. Pierre Benoist. La bure et le sceptre : La congrégation des Feuillants dans l'affirmation des Etats et des pouvoirs princiers. 1560-1660, Éditions de la Sorbonne. Paris. 2006.

9. Cf. Paris révolutionnaire. Quartier Val de Grâce. Boulevard Saint-Michel. Rue d'Enfer. 24 avril 1777.

10. Charles Lefeuve (1818-1882). Les anciennes maisons de Paris. Histoire de Paris rue par rue, maison par maison. Tome 3. Rue d'Enfer, p. 128. C. Reinwald. Paris. 1875.

11. Wikipedia. Boulevard Saint-Michel (Paris). Histoire.

12. Wikipedia. Bal Bullier.

Classé dans : Histoire Mots clés : aucun

2 commentaires

#1  - Jacques Gironce a dit :

Belle étude parisienne.
Notre Languedoc a évidemment beaucoup plus d'attraits et de soleil.

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#2  - Dario Méndez a dit :

Lu votre article avec le plus grand interêt. Je possède, en effet, une Bible de 1664 avec cette marque de provenance manuscrite: «Ex libris Fuliensium Monasterii S(anc)torum Angelorum Custodum « Sait-on quelque chose sur sa bibliothèque ?

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